Le couvent des Dominicains
XIIIe-XIXe siècles
Le couvent des Dominicains fut fondé en 1245 sur l'emplacement d'une ancienne léproserie. Les travaux se pousuivirent jusqu'au XIVe siècle, permettant l'édification d'une vaste église de style gothique méridional comprenant une nef unique non voûtée flanquée de chapelles entre contreforts, d'une salle capitulaire de plan carré devenant octogonal en hauteur grâce à des trompes, ou encore de deux cloîtres, dont un cloître-cimetière.
Le premier cloître, qui subsiste toujours aujourd'hui, possède encore quelques chapiteaux médiévaux, d'autres étant conservés au musée d'art Hyacinthe Rigaud. Profondément remanié suite à un incendie survenu en 1558, il fut voûté d'ogives et dôté d'une galerie supérieure au XVIe ou au XVIIe siècle, puis largement reconstruit au XIXe siècle. Le cloître-cimetière fut lui détruit au XVIIIe siècle pour permettre l'édification de la chapelle du Tiers-Ordre ; il en subsiste néanmoins deux enfeus.
En déclin, le couvent fut partiellement occupé par l'armée durant le XVIIIe siècle, puis totalement après le départ forcé des religieux en 1791. Progressivement rétrocédé à la ville, le couvent accueille aujourd'hui dans son église des manifestations diverses, parmi lesquelles des expositions du festival de photojournalisme Visa pour l'Image ou des concerts du festival de musique sacrée, tandis que le cloître abrite les archives municipales depuis 2016 et leur départ de l'ancienne université.
La chapelle du Tiers-Ordre
XVIIIe-XIXe siècles
Située sur l'emplacement de l'ancien cloître-cimetière du couvent, la chapelle du Tiers-Ordre fut construite grâce à l'action du comte de Mailly pour accueillir la branche des Dominicains destinée aux laïcs, dite Tiers-Ordre. Les travaux de l'édifice de style néoclassique s'achevèrent en 1774. La nef, couverte de fausses voûtes, est flanquée de chapelles séparées par des pilastres cannelés surmontés de chapiteaux ioniques. Les galeries supérieures sont fermées par des balustrades en ferronnerie décorées de motifs variés. L'abside, tronquée, est ornée de peintures murales à l'histoire particulièrement mouvementée.
Le peintre carcassonnais Jacques Gamelin fut le premier à s'atteler à leur réalisation à la fin du XVIIIe siècle, avec pour thématique la victoire du Christianisme, et plus particulièrement des Dominicains, sur l'Hérésie. Il représenta sur les murs de l'abside un riche décor architectural en trompe-l'œil orné de chapiteaux ioniques ainsi que d'une tenture tenue par des guirlandes de feuillages et de roses. La partie centrale, sur fond de drapé bleu, était occupée par la Vierge du Rosaire entourée d'angelots, avec à ses pieds Saint-Dominique. Un calice, un ostensoir, ainsi que les représentations de Saint Thomas d'Aquin et de Sainte Catherine de Sienne figuraient sur les parties latérales. La voûte fut ornée d'une représentation de la Trinité entourée d'anges, dans un décor fortement inspiré d'un tableau de Charles Le Brun consacré à la bataille d'Arbèles, qui opposa la Macédoine d'Alexandre le Grand à la Perse de Darius III en 331 avant notre ère.
Juste après la Révolution, la chapelle étant transformée en temple décadaire, ses peintures religieuses plus vraiment au goût du jour furent largement repris par Jacques Gamelin lui-même. Jugé trop ostentatoire, le décor architectural perdit ses dorures et ses guirlandes de roses. De nombreux symboles religieux furent supprimés, parmi lesquels la colombe de l'Esprit saint, la croix du Christ, le triangle de la Trinité ou la représentation de Saint-Dominique. La Vierge fut affublée d'un casque et d'un bouclier pour se transformer en Minerve tandis que Saint Thomas d'Aquin et Sainte Catherine de Sienne devenaient des allégories à l'antique.
Le retour de la monarchie, en 1814, s'accompagna d'une nouvelle reprise des peintures, cette fois effectuée par François Boher. Le décor architectural, à présent traité en grisaille, fut privé de ses représentations de calice et d'ostensoir et doté de cadres et médaillons allégoriques représentant les Tables de la loi, l'entrée d'un génie dans le Panthéon ou une Victoire ailée. Les allégories furent insérées dans des niches. Plus surprenant, Minerve se para d'un manteau, d'un sceptre et d'un globe fleurdelisés pour lui donner l'apparence du nouveau roi Louis XVIII !
Vers 1830, un artiste resté anonyme effectua d'ultimes modifications après l'occupation du couvent par l'armée et la transformation du bâtiment en chapelle de garnison. Plus légères, ces transformations consistèrent en la suppression des fleur de lys, le retrait des attributs des deux allégories, à présent présentées comme étant la Foi et l'Espérance, mais aussi la modifications des inscriptions : la «constitution de l'an II» devint la «charte de 1830» et l'«armée de la République» devint l'«armée française».
Louis-Nicolas de Lespinasse
«L'école militaire de Perpignan» (le couvent des Dominicains est représenté à droite)
années 1780